rédacteur Lausanne - rédacteur Genève - rédacteur Suisse - communication écriteSujet de préoccupation récurent des écrivains, marotte inhérente à tout travail de rédaction, la peur de la page blanche déploie son effrayant spectre dans la vie des auteurs comme le chien dans la propriété des Baskerville, ou comme le cavalier sans tête dans le village de Sleepy Hollow. Il existe pourtant un moyen simple de chasser de son esprit ce vilain petit canard et de s’adonner à l’écriture avec plaisir… (si si, je vous assure !) 

Fermez votre bouche, on voit votre glotte

Certains clichés ont la peau dure. Dans le monde merveilleux et idyllique de l’écriture, il en est un particulièrement tenace : celui de la page blanche. Ou plutôt devrais-je dire du “syndrome” de la page blanche, tellement la peur de ne pouvoir coucher sur papier les idées qui nous traversent est forte. C’est dire à quel point cette incapacité, ce blocage psychologique (et physique) tient du pathologique.

Pourtant, rien de plus facile que de noircir une feuille de quelques pattes de mouches. Donnez à un enfant une feuille de papier et des crayons, et vous verrez avec quelle facilité il prend possession de la matière. L’aisance dont nos chers bambins font preuve dans la création a de quoi surprendre, et nous aurions bien des choses à apprendre d’eux.

Alors, que faire pour surmonter cette peur paralysante ? Sommes-nous condamnés à rester figés devant notre feuille de papier ou notre écran, bouche bée, l’air ahuri, en essayant vainement d’aligner quelques mots qui aient du sens, de construire quelques phrases qui se tiennent ?

L’exigence, mère de toutes les frustrations

L’hypothèse formulée ici est de considérer que le blocage provient d’une trop grande exigence de résultat, au détriment du plaisir que devrait susciter l’acte d’écrire. Il suffit pour cela de constater avec quelle sévérité nous jugeons nos propres travaux rédactionnels. En relisant nos écrits, la déception est parfois si grande qu’elle nous pousse à les abandonner, voire les détruire.

Une attitude raisonnable serait d’être plus indulgent envers nous-même. Même chez les écrivains confirmés, le premier jet n’est souvent qu’un amas de phrases et de pensées qu’il faut restructurer. En témoignent les différents manuscrits que l’on peut trouver sur Internet, qui ressemblent parfois plus à des œuvres plastiques inspirées du dadaïsme qu’à des compositions dûment structurées.

Ecrire est une activité à part entière, et comme toute activité, elle nécessite des heures de pratique, faites de corrections, de désillusions et de satisfactions. Nous ne naissons pas expert dans un domaine, pas compétent dans telle ou telle branche d’activité ; nous le devenons par la récurrence des expériences et l’évolution de nos pratiques.

Expérimenter : faire, avant de penser faire

C’est bien beau tout cela me direz-vous, mais concrètement, comment l’on s’y prend ? Rien de plus facile, vous répondrais-je : il suffit de se laisser aller, de faire, d’oser. La pratique est un formidable moteur d’apprentissage, car elle ancre l’action et la réflexion dans une réalité vécue à la fois par le corps et l’intellect.

Cette idée n’est pas neuve ; on en trouve une superbe illustration dans L’évolution créatrice de Bergson (passage de l’apprentissage de la nage) ou encore dans les fondements de la pédagogie Montessori, qui laisse une large place à la pratique (je pense notamment à l’apprentissage des mathématiques via une matérialisation des chiffres et des nombres sous forme de quantités : barres numériques, assemblage de perles).

Je terminerai cet article par le plus beau – et sans doute aussi le plus pertinent – conseil que je n’ai jamais entendu sur le sujet. C’est William Forrester (Sean Connery) qui nous le dévoile dans le film Finding Forrester. Lorsque son jeune élève (Rob Brown, allias Jamal Wallace dans le film), assis devant une machine à écrire, n’arrive pas à écrire la moindre phrase, n’arrive pas à débuter un texte, Forrester s’assied en face de lui avec sa propre machine à écrire et se met à pianoter avec aisance, tel un virtuose sur son instrument. Il a alors cette magnifique réplique : « Tu écris un premier jet avec ton cœur, et tu réécriras avec ta tête ».

P.S. : vous souhaitez savoir pourquoi je parle de « pensée constipée » dans mon titre ? La réponse dans le film Finding Forrester en lecture ici (à la 19iéme minute pour les impatients :-))

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