rédacteur Lausanne - rédacteur Genève - rédacteur Suisse - communication écriteL’empathie est un phénomène bien étrange. Elle fait appel à des spécificités biologiques qui se traduisent dans nos comportements et notre perception de la réalité. « Se mettre à la place de », comme on a coutume de le dire, n’est en effet pas sans incidence sur notre façon d’agir et notre capacité à nouer des relations. Envisager les interactions sous ce rapport peut s’avérer extrêmement bénéfique… ou complètement désastreux.

Établir la confiance

Dans un précédent article consacré à l’émotion, j’évoquais la nécessité de prendre en considération la valeur émotive d’une “campagne de communication”, en faisant appel à la notion d’empathie pour expliquer la différence entre une opération marketing de prankvertising réussie et deux autres ayant provoquées un bad buzz. Je reviens aujourd’hui sur cette notion d’empathie qui me semble primordiale.

Entrer en résonance avec autrui, pouvoir se mettre à la place de l’autre est une force. Dans les relations interindividuelles, montrer à votre interlocuteur que vous avez compris sa pensée (en reformulant ses propos, par exemple) provoque un sentiment de connivence, premier pas vers l’établissement d’une relation de confiance.

Dans le même ordre d’idée, amener la conversation sur un sujet qui fait consensus, ou esquisser au gré de la conversation des thématiques que vous supposez communes (laissant de la sorte sous-entendre que vous évoluez dans le même monde que votre interlocuteur) permet de détendre l’atmosphère tout en vous rapprochant de lui.

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Mais attention à ne pas aller trop loin dans la proximité, et à ne pas confondre l’empathie et la sympathie, l’entraide ou la compassion. Dégager l’empathie de tout sentiment altruiste est essentiel pour ne pas tomber dans le travers qui voudrait qu’au lieu de comprendre les pensées de votre interlocuteur, vous projetiez les vôtres et interveniez de façon quelque peu inopportune dans la conversation.

L’empathie dont nous parlons ici est qualifiée de « cognitive » par les scientifiques. Les avancées en neurosciences ont permis d’identifier l’existence de neurones miroirs qui jouent un rôle fondamental dans la compréhension des gestes d’autrui. Des images sous IRM montrent que ces neurones s’activent non seulement lorsque nous observons une personne exécuter une action, mais aussi lorsque nous imaginons qu’une telle action se déroule ; c’est un phénomène de projection.

A vrai dire, nous ne fonctionnons que par projection. Lorsque nous effectuons un geste, nous l’effectuons en regard de sa finalité, en vue d’atteindre le but proposé. Nous nous projetons dans un futur plus ou moins proche en envisageant l’effet qui sera produit par l’action que nous mettons en œuvre. Il en va de même de nos pensées.

L’empathie est un jeu

On trouve des exemples d’empathie cognitive dans l’approche Montessori (dont j’ai déjà parlé dans cet article) qui insiste sur l’importance de l’observation de l’activité de l’enfant avant toute intervention (qui, dans l’idéal, ne doit pas se faire avant sollicitation de l’intéressé). Pouvoir comprendre ce que fait un enfant (en intégrant sa propre logique, qui est différente de celle d’un adulte) est un exercice difficile mais fascinant, qui demande une acuité visuelle et des capacités d’analyse développées.

Un autre exemple d’empathie, plus difficile à repérer, se trouve dans le film 8 miles. Vers la fin du film, Rabbit (Eminem) se retrouve en final d’un battle contre Papa Doc. Celui qui aura le meilleur flow remportera le battle. La stratégie d’Eminem est simple mais très efficace : se mettre à la place de Papa Doc en utilisant ses propres mots (il évoque cette technique dans sa chanson Legacy sortie en 2013 : « And use my ennemi’s words as strength to try and draw from, and get inspired off 'em »). Ce qui laisse Papa Doc bouche-bée...

User d’empathie, comme le fait Eminem dans son battle, requiert une connaissance fine de son interlocuteur. Toute la difficulté consiste à trouver le bon positionnement et le bon ton. Il n’y a pas de méthode à proprement parlé pour y arriver. Mais une chose est sûre : si vous essayez de vous mettre à la place de votre interlocuteur, si vous tentez de deviner ses pensées, il y a de fortes chances pour que vous y preniez un certain plaisir :-)

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